Emmaüs Défi, laboratoire d’innovations sociales, et son programme la Banque Solidaire de l’Equipement

REC Innovation accompagne le dispositif la Banque Solidaire de l’Equipement, lauréat du programme REC Accélération

La Banque Solidaire de l’Équipement est lauréate de REC Accélération, programme d’accompagnement au changement d’échelle destiné aux structures de l’insertion par l’activité économique porté par REC Innovation.

Une visite très complète dans la boutique d’Emmaüs Défi du 19ème arrondissement

Il est 10h30 lorsque je me rends chez Emmaüs Défi, au 6 rue Archereau dans le 19ème.

Camille MANET, Responsable des Partenariats Entreprises à la Banque Solidaire de l’Équipement, m’accueille alors avec beaucoup d’entrain et se lance dans la longue tâche de me faire visiter cette si belle structure qu’est Emmaüs Défi.

La visite commence avec la boutique, ouverte chaque mercredi et samedi, dans laquelle vous pourrez retrouver un espace friperie, une bibliothèque ou encore un espace jeux pour enfants. Des salariés en insertion y travaillent. Ceux-ci bénéficient d’un contrat d’insertion allant jusqu’à cinq ans, rendu possible par le dispositif Convergence porté par Emmaüs Défi.

Ce dispositif accompagne les personnes vers une situation digne et durable, en s’attaquant conjointement aux problématiques du retour à l’emploi, du logement, de la santé : cela peut toucher la situation administrative, une situation de handicap ou encore des addictions, ensemble de freins potentiels à une réinsertion durable des grands exclus au sein de notre société.

Pendant leur parcours chez Emmaüs Défi, les salariés en insertion réalisent plusieurs types de tâches : collecte de l’ensemble des objets donnés par les particuliers, assemblage, tri et exposition de ces objets en boutique.

Après avoir rencontré de nombreux salariés en insertion ainsi que des membres de l’équipe salariée, tous plus inspirants, Camille me fait découvrir le local de la Banque Solidaire de l’Équipement (BSE), programme d’Emmaüs Défi que nous accompagnons dans le cadre de REC Accélération.

Présentation de la BSE, et le besoin auquel elle répond

La Banque Solidaire de l’Équipement permet à des personnes en situation de précarité accédant à un premier logement pérenne d’acheter à tout petit prix de quoi aménager leur nouveau logement.

Ce dispositif présente les chiffres suivants : 1086 familles et personnes seules équipées en 2018, et plus de 10 500 personnes touchées dont 5000 enfants depuis le démarrage

La logistique du programme est gérée par l’Équipage, l’entreprise d’insertion logistique d’Emmaüs Défi, qui accueille 9 salariés en parcours dans son entrepôt de 3250m² à Rungis.

A la BSE, on change de posture : de demandeur de logement, on devient habitant. On se projette très concrètement sur son installation, et on s’approprie son logement par son aménagement. On arrive avec un logement vide, on repart avec de quoi l’équiper. On redevient consommateur, et donc citoyen à part entière en choisissant puis en payant chacun des articles proposés à la BSE. On se projette vers l’avenir.

Les bénéficiaires témoignent :

« On s’y sent bien, on ne vient pas seulement acheter mais on est écouté et c’est super important. » – Mme B., seule, sans enfant.

« M’équiper grâce à la BSE m’a aidée à me sentir bien chez moi » – Mme R., seule, deux enfants.

« Je fais ma décoration comme je veux. J’achète ce que je veux, je pose ça où je veux. Je n’ai pas d’ordre de personne. J’ai choisi moi-même (…). C’est la première fois que j’achète mes affaires, c’est la première fois depuis que je suis en France. » Mme N., veuve, deux enfants.

« Les enfants peuvent enfin inviter leurs copains d’école, comme tout le monde. A Noël, nous avons aussi reçu toute la famille autour de la grande table. C’était merveilleux. » Abdelkrim et Serpile, parents de deux enfants

« S’il n’y avait pas eu la BSE, j’aurais été dans des magasins, mais j’aurais dû prendre à crédit. […] Dans un magasin, j’aurais dépensé beaucoup plus, et je n’avais pas les moyens ». Mme E., seule, un enfant.

Le rôle qu’a joué REC Innovation dans cet accompagnement

À la suite de ces nombreuses découvertes, j’ai pu rencontrer la responsable du dispositif, Marianne YVON, et échanger avec elle et Camille sur la suite du dispositif.

J’ai pu réaliser un entretien avec Camille, davantage porté sur les axes d’accompagnement traités avec les experts de REC Innovation, et les perspectives de développement de la BSE.

L’accompagnement de REC portera ainsi sur leur stratégie marketing, leurs démarches de prospection et leur modèle économique. Ils souhaitent être capables d’attirer le plus possible d’entreprises partenaires dans leur aventure. Pour cela, ils sont challengés par des experts sur leur business model, mais aussi sur leurs outils de communication ou encore sur leur présence dans les réseaux business.

La BSE a d’ailleurs pu intégrer le Club Social Business, programme de mise en relation entre structures lauréates des programmes d’accompagnement REC et entreprises privées, et une première rencontre est déjà programmée avec une entreprise !

Quels sont les objectifs de la BSE à moyen terme ?

Par ailleurs, en ce qui concerne les perspectives de développement futures, la BSE souhaiterait essaimer son dispositif sur de nouvelles villes de France, où le besoin social est fort. Les villes de Lille et Toulouse sont ciblées en priorité, mais Nantes et Marseille, ainsi que la banlieue parisienne, sont également envisagés à plus long terme.

Enfin, les enjeux majeurs de la structure seront de stabiliser les partenariats actuels obtenus auprès de grandes entreprises (Carrefour, Seb, les Galeries Lafayette etc.), ainsi que d’en trouver de nouveaux, afin d’augmenter leur offre d’équipements à proposer aux bénéficiaires.

Le témoignage d’un salarié en insertion Emmaüs Défi

Nous vous proposons désormais de lire le témoignage d’un salarié en insertion travaillant à l’Équipage – l’entreprise d’insertion logistique d’Emmaüs Défi.

« Comment je me vois dans le futur ? Je voudrais finir ma vie tranquillement, avoir des responsabilités dans un entrepôt… »

Alain a un sourire d’espoir quand il pense à la suite, mais nous raconte son parcours, loin d’avoir été tranquille lui…

« J’ai commencé ma vie comme routier pendant 15 ans, jusqu’en 2010, puis j’ai perdu mon permis et suis retourné à la rue. J’ai connu la débrouillardise à la rue. C’est lors de mon dernier séjour en prison, pour lequel j’avais pris une grosse peine, que j’ai décidé de faire un BTS en logistique. J’ai passé le DAEU (équivalent du baccalauréat) en prison. Ça s’est bien passé, je l’ai obtenu. Entre temps, différents problèmes m’ont retardé.

J’ai commencé ma formation de Technicien Supérieur en Méthode et Exploitation Logistique. Pour ça, on m’a mis en semi-liberté à la Santé. Et pour valider cette formation et avoir l’équivalent BTS, il fallait faire un stage de deux mois avec pour but de maitriser deux compétences : repérer un dysfonctionnement puis mettre en place une solution pour le résoudre. Je devais rentrer chez une grande entreprise, ils m’avaient accepté ; mais quand ils ont vu sur mon papier l’adresse de la prison au moment de faire le contrat, ça leur a mis un frein, et ils ont voulu savoir le pourquoi du comment, ce qui m’a énervé.

L’assistante sociale de la prison m’avait dit qu’Emmaüs cherchait des assistants logistiques. Comme cette grande entreprise m’a recalé, je me suis retrouvé à chercher un stage au dernier moment. J’ai recontacté Astrid et Stéphane qui m’ont aiguillé vers Yves (le responsable opérationnel de l’Équipage) que j’ai rencontré à Roissy.

Il me restait 3 semaines sur mes deux mois de stage à faire… et je suis très bien tombé chez Emmaüs parce qu’il y avait à l’époque de très gros dysfonctionnements ! (rires) On avait par exemple un souci pour suivre les colis qu’on livrait, j’avais donc mis en place des feuilles de chargement. Ça m’a fait travailler mes deux compétences, et ils m’ont permis de rester. Je savais qu’un gros déménagement d’entrepôt allait avoir lieu et c’était intéressant pour moi : mettre en place le nouveau chemin de préparation, gérer la transition, … A ce moment-là, j’ai posé des heures pour aller passer mon examen en candidat libre et je l’ai eu haut la main.

On a alors vécu deux déménagements d’entrepôts, c’était complexe ! Les rayonnages n’avaient plus rien à voir ; sur Excel j’avais fait un plan, préparé le chemin de préparation de commandes, ça avait été validé. On a attaqué, ça s’est super bien passé.

Depuis, je suis toujours là. Je cherche un emploi mais pas en tant que préparateur de commandes, j’ai fait une immersion chez Carrefour comme analyste de flux. Ça s’est super bien passé, le responsable de gestion des volumes m’a fait une lettre de recommandation en me disant que si j’avais besoin d’un appui il serait une référence.

J’attends. Entretemps je suis sorti de prison, et c’est loin d’être simple. Depuis qu’il y a Sophie (la chargée d’insertion professionnelle de l’Équipage) ça avance sur plus de sujets : le logement, mes papiers d’identité…  J’ai fait une demande de logement dans le 94 car c’est là qu’il y a le plus d’entreprises en logistique. Et puis j’attends de voir s’il est possible de repasser mon permis…  En le perdant la dernière fois, j’ai vécu un grand retour en arrière qui n’en était pas vraiment un, parce que finalement ça m’a permis de rebondir plus haut.

A la fin de mon contrat ici ? J’aimerais avoir un poste d’inventoriste avec une petite équipe de trois ou quatre personnes. Travailler dans la gestion des volumes dans un grand entrepôt où tu dois te démener pour trouver de la place pour tes nouvelles références ! Piloter les vagues de préparation de commandes, ils m’avaient laissé faire cela à Carrefour pendant une semaine et c’était super.

J’aime être toujours actif, sur le terrain, ne pas rester derrière un bureau. Je me sens bien sur un chariot (rires) ! Si c’était possible, j’aimerai bien rester dans des structures de solidarité, pour rendre à Emmaüs ce que j’ai reçu … ça m’a sauvé de moi-même et j’ai grandi en passant ici. »

Vous pourrez trouver plus d’informations sur Emmaus Défi :

Auteur : Clément Borgia